Parole d'expert : rencontre avec Claire D'Huyvetter, Albatros France.
Albatros France est une entreprise familiale qui se consacre à la conception personnalisée de matériel et d'appareils orthopédiques pour enfants et adultes, en mettant l'accent sur le positionnement des personnes handicapées. Claire D'HUYVETTER, directrice générale, a toujours accordé une grande importance au confort et au bien-être de ses patients. Selon elle, la clé de l'acceptation du handicap réside inévitablement dans la possibilité de personnaliser et customiser l'équipement orthopédique.
U-Exist : Bonjour Claire, pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et votre entreprise ?
Claire D’Huyvetter : Albatros France a été créée par mes parents en 1992. Ayant toujours aspiré à devenir orthoprothésiste, j'ai effectué mon apprentissage au sein de cette société en 2007. À partir de 2017, j'ai exercé en tant que co-gérante avec mon père, et en décembre 2019, j'ai pris la responsabilité de la Direction Générale de l'entreprise. Notre expertise englobe à la fois l'aménagement du tronc, comprenant les sièges et les matelas, ainsi que les dispositifs de mobilité. Nous sommes compétents tant dans le domaine des orthèses de tronc que dans l'orthopédie générale, tels que les corsets de scoliose, les corsets de maintien, les orthèses des membres supérieurs et inférieurs, et bien plus encore. Enfin, notre champ d'intervention s'étend à une large population, allant des nouveau-nés aux personnes âgées.
UE : Comment et quand avez-vous fait la connaissance de U-Exist ?
CDH : J'ai découvert U-Exist lors de ma participation à un congrès ISPO à Lyon à la fin de l'année 2017. J’ai immédiatement été attirée par votre stand joyeux, coloré, dynamique et votre proposition de transferts esthétiques. Cela changeait vraiment de ce que l’on pouvait voir dans le paysage orthopédique et ça m’a énormément plu. Je me rappelle m’être dit : “enfin nos patients auront droit à quelque chose qui n’est pas strictement médical”. Quelques mois plus tard et après quelques essais, nous avons commencé à travailler ensemble. Aujourd’hui 95% de nos transferts proviennent de U-Exist.
UE : La plupart de vos patients privilégient-ils la customisation depuis ?
CDH : Oui, les patients sont ravis. Nous avons près d’une trentaine de transferts esthétiques et modernes qui offrent un très beau résultat tant sur le Polyéthylène que sur le PVC, pour les coques de sièges par exemple. Nous travaillons également avec d’autres prestataires qui sont en mesure de personnaliser chaque élément complémentaire à l’appareillage, en fonction du motif choisi. J’ai le sentiment que nous avons effectué un gap de progression important sur l’esthétisme de nos appareils depuis. Notre but est d’essayer de montrer que l’handicap peut être joyeux et joli. À terme, nous souhaiterions avoir des collections par saison, même si en matière de logistique c’est encore moins évident à mettre en place pour l’instant. Nous renouvelons cependant notre gamme tous les ans.
UE : Pensez-vous qu’il existe une différence entre l’acceptation de porter une prothèse et celle de porter une orthèse customisée ?
CDH : Je pense que quand l’appareillage, qu’il soit prothèse ou orthèse, est personnalisé et au goût de nos patients, l’acceptation est indéniablement plus facile. L’esthétique en 2023 est presque tout aussi importante voire plus importante que la partie fonctionnelle de l’appareil. Si l’appareillage est esthétique, il sera accepté à 90% des cas. C’est essentiel, on ne peut plus faire sans à mon sens.
UE : Pourquoi pensez-vous que ce principe ne s'applique pas à tout le monde ? Est-ce qu'il est nécessaire de franchir d'abord une étape d'acceptation avant d'envisager la personnalisation, ou est-ce le contraire selon vous ?
CDH : Dans notre cas, l'orthèse diffère effectivement de la prothèse, car il n'y a pas la question de l'acceptation de la perte d'un membre qui intervient dans le positionnement et les orthèses. Cependant, il existe une acceptation du handicap, plus ou moins importante selon chaque individu. Un siège esthétique qui plaît à la famille, au patient et à son entourage contribue à créer une atmosphère positive pour le positionnement et l'appareillage. La dimension esthétique, même avec des couleurs simples, est extrêmement importante. Ensuite, nous personnalisons chaque élément en fonction des besoins : les sangles, les supports, les repose-pieds, les accoudoirs, la tablette, tout est harmonisé avec le choix de transfert effectué par le patient.
UE : De manière générale, pensez-vous que les patients sont suffisamment sensibilisés à cette question de la personnalisation ?
CDH : Non je ne pense pas. Je pense que si la proposition ne vient pas de nous, des équipes médicales ou de l’entourage, ce n’est pas un réflexe chez le patient. Mais cela peut dépendre également de la typologie du handicap : dans les cas où celui-ci est purement moteur, le patient est généralement plus réceptif à cette idée, tandis que dans les cas d’un handicap intellectuel, ce sont surtout les familles qui en ressentent le besoin. La personnalisation permet d'adoucir l'impact du handicap et d'améliorer le bien-être de manière globale. En général, les patients ne sont pas suffisamment sensibilisés à cette question. Si l’alternative ne leur est pas exposée, ils n'y penseraient pas d'eux-mêmes.
UE : Quel est votre avis sur la perception du handicap dans notre société actuellement ?
CDH : Je suis d'avis que nous devrions voir plus de personnes appareillées dans la société, et la personnalisation de l'appareillage favorise l'acceptation de celui-ci. Cela permet de le mettre en valeur et de le montrer ouvertement.
Le fait qu'il y ait de plus en plus de salons dédiés à cela à travers la France contribue également à cette démarche. J'espère que les Jeux Paralympiques de 2024 joueront un rôle dans cette direction, en mettant en lumière le handicap, même si cela ne représente pas l'ensemble de la population des personnes en situation de handicap. Cela offrira néanmoins des opportunités pour les entreprises, les associations etc. d'organiser des événements autour de cela. En 2024, je pense que le handicap sera plus présent que jamais dans les médias, et cela ne se limite pas seulement aux prothèses, mais aussi aux chaises et autres dispositifs d'assistance.
UE : Selon vous, qu’est-il possible de faire à l’échelle des professionnels du corps médical, particulièrement ceux de la rééducation ?
CDH : Je pense qu'il y a toujours moyen de s'améliorer. Cependant, il est également important de prendre en compte les contraintes auxquelles les entreprises orthopédiques sont confrontées, notamment les prix fixés par la sécurité sociale. Ces contraintes tarifaires sont significatives, et les tarifs n'ont pas été ajustés depuis 2017 malgré l'inflation. Malgré cela, nous n'avons jamais autant personnalisé nos installations, que ce soit pour les prothèses ou les orthèses. Nous nous efforçons tous de travailler sur la personnalisation au-delà de la fonctionnalité.
Je pense que la majorité des orthoprothésistes proposent la personnalisation. En tant qu'orthoprothésiste moi-même, je constate que mes collègues le font systématiquement. Chez Albatros, toutes nos équipes proposent la personnalisation pour tous les types de transferts. Même dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), où les fauteuils roulants étaient traditionnellement noirs, nous constatons des progrès en ce sens.
Nous nous efforçons constamment de renouveler nos motifs de transferts, en veillant à en proposer pour tous les groupes d'âge, des enfants aux adolescents en passant par les adultes, tout en conservant une gamme raisonnable. Cela peut parfois être un défi, mais nous nous efforçons de répondre aux besoins de chacun.