"Quand je vois l'été que j'ai passé à Paris, alors j'ai envie de remettre une pièce dans la machine et de recommencer", lisez l'interview d'Alexis Hanquinquant
Alors qu'il est encore sur son petit nuage, nous avons réussi à décrocher une interview avec Alexis Hanquinquant. Vingt minutes d'échange chrono en main, le temps pour l'athlète de nous partager son rêve devenu réalité...
Amandine : Alexis, tu es un athlète multi champion et tu as une nouvelle fois marqué nos esprits en remportant la médaille d’or aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 en PTS4 et en étant porte-drapeau aux côtés de Nantenin Keïta. Bravo, merci et merci pour ton temps aujourd’hui pour répondre à nos questions !
Après un accident de travail en 2010, tu prends la décision de l’amputation. Hyperactif et sportif depuis toujours, ta relation au sport a-t-elle participé à ta rééducation ? Comment as-tu abordé la reprise du sport ?
Alexis : Oui bien sûr car le sport fait partie intégrante de ma vie et a été ma source de motivation à me remettre debout après mon accident. J’ai choisi le triathlon parce que c’est un sport polyvalent mais aussi parce qu’il est l’un des plus durs ! C’était un défi complètement dingue à relever mais qui m’a aidé à démarrer cette toute nouvelle vie.
À quel moment prends-tu conscience qu’une qualification aux JO de Tokyo 2021 est possible, que ce rêve est atteignable ?
C'est une bonne question… Mais un moment dont je me souviens très bien c’est lorsque je gagne mon 3ème titre de champion du monde à Lausanne. Là je sais que c’est réalisable car même si le chemin de la qualification est très long, en tant que compétiteur, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison que je n’y arrive pas.
Quel a été le chemin de la rééducation jusqu’à ta qualification ? Peux-tu nous parler du processus d’entrainements pour atteindre un tel niveau, de telles performances.
Ce qui est sûr c’est que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Être un des meilleurs paratriathlètes demande du temps et beaucoup d'heures d'entrainements. Au départ on essaye de ne pas trop densifier les entrainements pour laisser le temps au corps d’assimiler et de se reposer. Puis on augmente peu à peu la densité et la performance. Cela prend au moins 3 ans.
Avec cette médaille d’or aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, tu as marqué l’histoire, est-ce que tu t’en rends compte ?
Oui je sais que c'est assez rare et là de doubler la mise avec Tokyo et Paris, c'est extraordinaire ! Depuis Paris je suis sur un nuage… Tout ce qu'on a fait et appris a été si magique que je ne réalise pas encore à 100%. Aujourd’hui je suis hyper heureux car c'est pour moi un aboutissement. Beaucoup de gens trouvent cela cool mais les Jeux c'est aussi et surtout la concrétisation d’un réel investissement.
Qu’est ce qu’on ressent quand on prend conscience qu’on atteint la première place ? Quelle est ta première pensée ?
Ma course s’est déroulée de la meilleure des façons, j'ai respecté à la lettre ce que je voulais, comme un récital. À l’étape de la course à pied je savais donc que c’était gagné… J’avais une stratégie de course idéale, que j’ai contrôlé à la perfection.
Quand ça a été terminé, ma première pensée a été pour ma famille. Sur la dernière ligne droite, le drapeau bleu blanc rouge que je saisis est dans les mains de mes enfants. Ma première pensée va vers eux.
La médiatisation c’est nouveau pour toi… Comment vis-tu cette popularité ? Ça fait quoi d’avoir un agent ? (rire)
Écoute, effectivement ça monte en puissance… Avant Tokyo j’étais inconnu du grand public. Là avec Paris j’ai passé un cap. Les gens savent maintenant mettre un visage sur mon nom.
Cette popularité je la vis bien car c'est une reconnaissance. Je pense que je n'ai rien volé à personne. Ce que j'ai mis en place avec les gens qui m'entourent c'est "un retour sur investissement”. Bien sûr ça permet de se professionnaliser donc c'est forcément cool mais je n'oublie pas d'où je viens car au départ rien ne me prédestiné à atteindre un tel niveau. J'ai conscience de ce que j'ai, de ce que j’ai fait et d'avoir passé des paliers.
Les Jeux paralympiques ouvrent-ils la voie à davantage de sensibilité selon toi ?
Oui, déjà là en France, pour la première fois, les Jeux Paralympiques connaissent un regain de popularité. Les gens viennent dans les stades et il y a de très bonnes audiences à la télé.
Moi je reste persuadé qu'il y a autant de plaisir à regarder les Jeux, qu’ils soient Paralympiques ou pas, car un athlète va toujours tout mettre en place pour avoir de la performance, de la détermination et pour garder sa niaque de réussir. Donc selon moi, il n’y a pas de différence.
Quels appareillages portes-tu au quotidien, en entrainement et en compétition ? Sont-ils les mêmes?
Non, ce ne sont pas tout à fait les mêmes prothèses car elles ne répondent pas aux mêmes besoins. Par exemple, en compétition je cours avec la lame Ottobock, alors que pour conduire je vais porter le pied prothétique Evanto, toujours par Ottobock. La lame n’est pas adaptée.
Tu as bénéficié de customisations par U-Exist. Peux-tu citer lesquelles ?
J'ai eu 2 emboitures réalisées avec U-Exist : la première c’est un dessin du Mont Fuji, de la tour Eiffel et de la torche olympique sur un fond jaune-doré, et la dernière, celle que j’ai portée pendant les Jeux de Paris 2024, c'était avec un coloris fluo-multicolor. Je finis d’ailleurs la saison aux championnats du monde avec celle-ci.
Quelle est la valeur ajoutée d’un manchon customisé ? Et quelle pourrait-être ta prochaine U-Exist’ touch ?
C'est clairement le design. J'adore l’idée de pouvoir rendre artistique quelque chose de pratique. Et je trouve cela vraiment cool de permettre aux enfants et aux adultes de laisser libre cours à leur imagination pour le design de leur prothèse.
Je dis souvent que je suis “mi-homme, mi-robot”. Pour la prochaine customisation j’imagine bien un délire d’emboiture au style robotique, en mode “terminator” avec un effet de peau déchirée.
J’ai souvent lu dans tes ITW “Ce serait une grande fierté d’être porte-drapeau” : cette consécration tu en rêvais. Rêve maintenant réalisé, quel est ton nouveau rêve ?
Je suis un grand rêveur, et quand je vois l'été que j'ai passé à Paris alors j'ai envie de remettre une pièce dans la machine et de recommencer. Je suis encore très ému d’avoir été choisi pour être le porte drapeau et j’ai donné mon maximum pour en être le meilleur possible.
Mon prochain rêve ? C’est de gagner une dernière médaille d'or à Los Angeles en 2028.
Qu’est ce que ça représente pour toi d’être élevé au rang d’Officier de l’Ordre National du Mérite ?
Je suis très patriote, très fier de mes racines normandes, fier d'être Français, et d’avoir été décoré par le président de la république lui-même, je ne peut être que très ému. L’Ordre National du Mérite c’est une très belle distinction, je suis très, très fier.
Honnêtement, je ne pouvais pas rêver d’un plus bel été que celui-là. Mais j’ai un dernier objectif pour terminer l’année en beauté : remporter le titre de champion du monde et c’est bientôt !
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Crédits images : Olympics | L'Équipe | Instagram @alexis_hanquinquant | World Triathlon | U-Exist