"La personnalisation a été un véritable atout sur le plan psychologique" - Rencontre avec Michel
Dans le monde de la réadaptation et de l'acceptation après une amputation, chaque individu a une histoire unique à partager. Michel, confronté à une thrombose massive en 2019, a dû faire face à des choix médicaux déterminants, dont l'amputation trans-tibiale. Il nous offre son récit inspirant, empreint de résilience et d'adaptation.
Bonjour Michel, pourriez-vous commencer par vous présenter ?
Je suis Michel, j'ai 52 ans et je travaille en tant que fonctionnaire. Je réside en Lorraine, je suis marié et j'ai deux enfants.
Quelle est votre histoire en lien avec l’amputation ?
En 2019 j’ai subi une thrombose massive, qui consiste en l’obstruction des artères par du sang coagulé. Cette expérience assez douloureuse m’a conduit à être hospitalisé, où j’ai subi deux opérations visant à déboucher les artères. Les résultats n’ayant pas été concluants et ma situation risquant de s’aggraver, j’ai suivi la recommandation des médecins de procéder à une amputation trans-tibiale.
Cette période était particulièrement complexe car elle s'est déroulée pendant la pandémie de COVID-19 où tout était fermé : les centres de réadaptation, les orthoprothésistes... ce qui a considérablement prolongé les délais.
À quel moment avez-vous abordé la personnalisation de votre prothèse?
J'ai immédiatement envisagé la personnalisation de ma prothèse. J’ai découvert cette possibilité lors d’une journée organisée pour des médecins spécialisés dans la prescription de prothèses. L’un des participants portait une prothèse personnalisée qui m’a interpellé. Ensuite, lorsque j’ai rencontré mon orthoprothésiste, j’ai découvert qu’il commandait des tissus chez U-Exist. J'en avais également entendu parler via l'Adepa et des forums en ligne. Dès que j'ai eu connaissance de cette option, j'ai pu explorer les différentes possibilités de personnalisation disponibles sur internet.
Le fait de personnaliser votre prothèse vous a-t-il aidé à l'accepter plus facilement ?
Absolument. La personnalisation a été un véritable atout pour moi sur le plan psychologique. Mon orthoprothésiste utilise également une résine pour fabriquer mes prothèses, ce qui leur confère un aspect plus esthétique en éliminant le tube métallique habituel. Le tissu se fond dans la résine, et je trouve le résultat très beau, plutôt artistique.
Quelle a été votre réaction à la découverte de votre première prothèse ?
J'étais très content. La forme de la jambe était plus naturelle et esthétique, ce qui a rendu la prothèse beaucoup plus acceptable pour moi.
Ce moment de découverte est-il important pour vous ?
Oui, c'est un moment particulier. Chaque nouvelle prothèse représente une étape dans mon parcours de réadaptation et d'acceptation. Le processus de choix du tissu et du motif demande du temps et comporte un aspect artistique qui me plaît beaucoup. Chaque prothèse est unique et reflète ma personnalité.
Entretenez-vous un lien particulier avec votre prothèse, et si oui, comment le décririez-vous ?
Je considère mes prothèses comme mes jambes, elles font partie intégrante de moi-même. Je les entretiens avec beaucoup de soin et d'attention. Je veille à les protéger lors de mes activités quotidiennes pour éviter de les abîmer. Pour moi elles ne sont pas simplement fonctionnelles, elles sont aussi agréables à regarder. Je les perçois presque comme des œuvres d'art.
Vos prothèses suscitent-elles des réactions ?
Oui, surtout en été lorsque je porte des shorts. Certaines personnes amputées ou connaissant des amputés viennent souvent me poser des questions ou me complimentent sur l'apparence de ma prothèse. Par exemple, lorsque je vais chez mon orthoprothésiste, il arrive fréquemment que d'autres amputés manifestent leur intérêt pour la personnalisation de leur propre prothèse après avoir vu la mienne.
Vous vivez bien avec vos prothèses aujourd’hui ?
Oui, complètement. J’ai la chance d’avoir un orthoprothésiste en or, et dès que quelque chose ne va pas, on prend rapidement contact et le problème est réglé dans la journée.
Parvenez-vous à mener vos activités habituelles ?
La plupart du temps, oui. Bien sûr, certaines tâches sont plus difficiles que d'autres, mais je m'adapte. Il existe tellement de choses maintenant, la technologie des prothèses a considérablement évolué. La France dispose d'un équipement médical de pointe dans ce domaine.
Considérez-vous avoir été bien accompagné dès le début ?
Oui, absolument. Dès ma sortie de l’hôpital j’ai été pris en charge presque immédiatement à l’Institut Régional de Réadaptation de Nancy (IRR), où j’ai bénéficié de l’expertise d’une équipe médicale complète pendant 2 mois et demi. Grâce à l’accompagnement des médecins, des kinésithérapeutes et des orthoprothésistes, je suis ressorti en marchant à peu près normalement. Bien sûr, il a fallu assumer la réalité de ma situation : une jambe en moins reste une jambe en moins, et peu de personnes peuvent réellement comprendre cela. Cependant, la personnalisation de ma prothèse a grandement contribué à mon acceptation.
Pensez-vous que votre acceptation aurait été différente si la personnalisation n’avait pas été possible ?
Oui, je le pense. A l’heure où je vous parle, je porte une prothèse d'essai avec une emboîture en plastique et un tube métallique, qui me renvoie à une image purement médicale. Cela me conforte dans l'importance de la personnalisation pour mon bien-être et mon acceptation de la situation.
Comment percevez-vous l'impact des Jeux Paralympiques ?
Bien qu'on en parle relativement peu, je pense que les Jeux Paralympiques jouent un rôle important dans la représentation des personnes handicapées dans notre société. Il reste quelques progrès à faire en termes de visibilité et de reconnaissance des athlètes paralympiques, mais l'intégration des épreuves paralympiques avec les épreuves valides est déjà un pas vers la bonne direction.
Pensez-vous que la France a encore un long chemin à parcourir en matière d'inclusion ?
Personnellement, bien que je sois handicapé, je considère que ma situation est relativement bien prise en charge, car il ne me manque “qu'une jambe” et j'ai accès à du matériel de qualité. Je pense qu’il reste encore beaucoup à faire surtout pour les personnes en fauteuil roulant. A nouveau, il y a eu selon moi des efforts indéniables ces dernières années, notamment dans l’équipement de petites communes. Mais il faut aussi garder à l’esprit que la France est un pays très ancien, ce qui rend parfois difficile l’adaptation des centres-villes historiques, comparativement à d’autres pays comme les Etats-Unis qui n’ont que 300 ans, par exemple.
Pourquoi avez-vous souhaité partager votre témoignage ?
J’ai l’espoir d’aider d’autres personnes confrontées à des situations similaires. Je pense qu'il est important de montrer qu'il est possible de vivre pleinement malgré un handicap, et que les progrès technologiques offrent aujourd'hui des solutions très satisfaisantes. Si je peux inspirer ne serait-ce qu'une personne à envisager les choses différemment, alors mon témoignage aura été utile.
Quels messages essentiels souhaitez-vous transmettre ?
L’importance de la patience dans le processus de réadaptation et d’acceptation. Les meilleures prothèses et les meilleures emboîtures nécessitent du temps pour être ajustées et acceptées pleinement. Aussi, j’aimerais encourager ces personnes à explorer toutes les possibilités de personnalisation disponibles, car cela peut avoir un impact significatif sur leur bien-être psychologique et leur acceptation de leur condition.