Parole d'expert : rencontre avec Kilian, orthoprothésiste.

Bonjour Kilian, comment et quand as-tu découvert U-exist ?

J’ai exercé dans deux grands groupes orthopédiques et découvert U-exist par ce biais-là. Mon travail consiste à acheter les recouvrements et de les installer sur les prothèses des patients. 

Pourquoi as-tu souhaité témoigner?

À mes yeux, il est évident que l’esthétique d’une prothèse ne passe pas juste par le camouflage. On a la chance aujourd’hui d’avoir beaucoup plus d’acceptation du handicap, de patients qui veulent de plus en plus montrer qu’ils ont une prothèse et je trouve que c’est une très bonne chose. 

Quand j’ai vu votre appel à témoins j’ai pensé à ma dernière patiente. Une dame d’environ 70 ans, très pimpante, pleine de vie, toujours habillée en rose… la première fois que je l’ai vue il y a deux ans, j’ai eu le réflexe de lui proposer une prothèse basique, car c’est ce qu’elle a toujours porté. Mais la fois suivante, en voyant son masque anti-covid rose avec des fleurs, je me suis dit “mais pourquoi ne pas lui proposer une prothèse U-exist ?” 

On a regardé ensemble sur le site, j’ai filtré “rose” (rires), et elle était super heureuse. Appareillée depuis 40 ans, elle m’a dit n’avoir jamais eu une prothèse aussi jolie. C’est ça que je trouve formidable, car c’est pour tous les âges. Avant cette patiente, j’avais le mauvais réflexe de ne proposer des motifs U-exist qu’aux patients âgés de moins de trente ans. Maintenant je les propose systématiquement. 

De manière générale, as-tu l’impression que la customisation de prothèse est de plus en plus demandée ou au contraire, que l’on reste encore sur cette volonté de camoufler ?

Je ne sais pas si c’est dû au lien que j'ai avec mes patients et dans ma manière de leur proposer ou si c’est plus personnel, mais à chaque fois que je propose de la customisation, ils le font. 

C’est beaucoup plus accepté aujourd’hui. Pour donner un exemple, avant de vous connaître, je proposais aux enfants et à leurs parents de me donner un t-shirt avec un dessin, que je découpais et adaptais à la prothèse. Depuis que je connais U-exist, je trouve ça sympa d’avoir une autre forme à donner à l’ensemble. 

Est-ce que le temps d’acceptation peut être plus ou moins long avant de réellement assumer sa prothèse, selon toi ?

Ce que je pense surtout, c’est qu’on ne propose pas assez aux patients d’avoir une prothèse customisée. En réalité, cela dépend beaucoup de la façon dont le professionnel amène le sujet avec eux. Si on prend un patient qui sort de rééducation, selon comment on lui parle de sa prothèse en face, il ne la considérera pas de la même manière. Certains auront un discours purement technique et médical, d’autres amèneront le côté identitaire : “voilà votre prothèse c’est vous, c’est votre vie, que voulez-vous en faire ?” 

Malheureusement la plupart du temps j’ai l’impression qu’on leur propose le schéma de base de prothèse d’essai camouflée, et c’est seulement plus tard dans l’évolution du processus qu’on leur proposera quelque chose de différent. 

Tu veux dire que ce n’est pas devenu un réflexe chez les pros de proposer de la customisation ?

Clairement pas. Pour moi le défaut aujourd’hui il vient presque plus de nous, professionnels. Par exemple, je propose systématiquement aux jeunes de faire la customisation, mais pour les moins jeunes c’est eux qui me le demandent. Je pense vraiment que c’est plus un défaut de notre part, on devrait avoir le même réflexe pour tous les âges. Il y a aussi le côté financier qui peut freiner, alors que la customisation revient au même, voire moins cher qu’une mousse esthétique.

Pourquoi selon toi ?

Globalement ce sont de vieux réflexes et il faut espérer que les habitudes changent progressivement. Par exemple, au salon ISPO, presque toutes les prothèses présentées au public sont customisées et je pense que n’importe quel prothésiste connaît U-exist. Donc à la fois on veut montrer cette image-là et pourtant dans les faits on ne l’applique pas systématiquement. 

Cela dépend aussi du type de prothèse. Par habitude, un corset ne se propose jamais sans motifs ni couleurs. Mais c’est juste par pure habitude, il n’y a pas de raison en particulier. Pour moi cela fait partie des vieux réflexes que l’on a tous dans la vie qui n’ont pas vraiment de logique. Après bien-sûr, cela dépend avant tout des patients, certains ne sont pas spécialement ouverts à ça non plus. 

Un projet avec U-exist que tu aimerais nous raconter ?

Un jour, j’ai eu un homme de 62 ans avec une prothèse fémorale. C’était quelqu’un de très actif qui aimait bouger, assez jeune dans sa tête. Il avait un revêtement en mousse mais il voulait une emboîture avec l’effet carbone fractal black. C’est drôle parce qu’il n’y a pas une grande différence avec la couleur carbone brut, mais pour lui ça avait quand même ce petit cachet en plus, c’était une façon de dire “c’est ma prothèse, c’est mon tissu et je choisis.

Tu trouves que le regard sur le handicap a changé ?

Oui, depuis que j’ai commencé à exercer en 2009 je trouve que les mentalités ont beaucoup changé, dans le bon sens. Avant 2015-2016, ça restait quand même rare de croiser quelqu’un avec une simple prothèse, car le réflexe était plutôt de la cacher. Aujourd’hui, je croise assez facilement des gens vêtus d’un short ou d’une jupe avec une prothèse. Avant, c’était tout simplement inconcevable pour mes patients. C’est toujours une fierté aujourd’hui quand je croise ces personnes dans la rue, j’ai toujours envie d’aller les voir et de les féliciter, de leur dire d’être fiers d’eux. 

Quel regard as-tu sur les différentes innovations dans le milieu orthopédique ?

C’est surtout d’un point de vue esthétique à mon sens, même si c’est déjà très bien. Maintenant il faudrait développer le côté écologique, que quelqu’un trouve une résine et du tissu durables, ce serait parfait. Ça n’existe pas aujourd’hui, c’est toujours les mêmes matières depuis que j’ai commencé à travailler. Je pense qu’il y a vraiment des choses à faire… sans parler de certaines aberrations qui persistent, par exemple le corset se recycle très bien grâce à sa matière polyéthylène, sauf que ça coûte trop cher donc personne ne le fait. 

Beaucoup de patients se demandent comment upcycler leurs prothèses. Une idée ?

Oui beaucoup de patients me demandent si on peut les recycler. Les métaux oui mais aujourd’hui malheureusement les emboîtures ne se recyclent pas. C’est un sujet qui mériterait d’être creusé, peut-on donner une seconde vie à nos prothèses ? 

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