"Écrire des livres m'a sauvée" | Rencontre avec Anne-Sophie
Bonjour Anne-Sophie. Peux-tu nous parler de ton histoire ?
J’ai eu un accident à 23 ans, il y a 14 ans et j’ai dû faire le choix d’amputer. Je vivais à Paris à ce moment-là, j’y ai fait mes études en communication visuelle, puis j’ai travaillé plusieurs années comme graphiste en agence. J’ai quitté Paris en 2016 pour faire un road-trip avec mon compagnon, car nos métiers nous permettaient de travailler à distance. Au total, nous avons fait un an et demi en sac-à-dos. On a commencé à aller voir de la famille, des amis qui vivaient à l’étranger, puis on s’est acheté un camion et on a vécu dedans près de 5 mois. À notre retour en France, on a décidé de quitter Paris et de s’installer dans la Loire avec nos enfants, dans l’ancienne maison des parents de mon compagnon que l’on retape.
"Tenir debout sur une planche m'a procuré beaucoup d'émotions"Qu’est-ce qui t’as le plus marqué dans ce voyage ?
Nous avons passé un mois au Costa Rica pour rejoindre des copains qui y vivaient et où j’ai fait ma première expérience de surf. C’était un petit challenge pour moi car je n’en avais jamais fait. J’ai pris des cours, l’endroit était idéal pour surfer, il y avait des petits rouleaux. L’expérience était assez magique… Pouvoir réussir à tenir debout sur la planche m’a procuré beaucoup d’émotions.
"J'ai transformé ma prothèse en espace de création"
Comment as-tu découvert la customisation de prothèse ?
Lorsque j’ai été amputée il y a 14 ans, la customisation n’existait tout simplement pas. Peu à peu, j’ai pris le parti de ne plus habiller mes prothèses avec le revêtement en mousse pour les laisser brutes en carbone noir, que je trouvais plus joli. J’ai fini par assumer de porter une prothèse, et l’ai transformée en espace de création en y ajoutant de la couleur avec mes Posca. Quelques années plus tard, mon prothésiste m’a proposé U-Exist et j’ai trouvé l’idée géniale. Pour ma toute première prothèse avec vous il y a 5 ans, j’ai réalisé mon propre motif grâce au service U-Adapt. Désormais je fais appel à U-Exist à chaque nouvelle prothèse et c’est une amie dont j’aime beaucoup le travail qui me fait les motifs.
"J'adore montrer ma prothèse"
Qu’est-ce que cela a changé pour toi ?
Aujourd’hui j’adore montrer ma prothèse, j’ai même hâte d’être en été pour qu’elle soit visible. Je n’étais pas très fan de tatouages à la base, mais au final c’est comme si ça en était un. Je change de motifs à chaque prothèse et j’adore le concept. Autour de moi, beaucoup de personnes ont du mal à montrer leur prothèse et passer le cap. On ne va pas se mentir, c’est quand même un sacré cheminement avant d’y arriver. Mais une fois que l’on décide d’assumer son handicap et d’en faire une force, que l’on a la possibilité d’avoir une belle prothèse que l’on a choisie… c’est super, et ça finit par faire partie de notre identité.
Et le regard des autres ?
Je pense que ça fait un bon point d’accroche pour les gens un peu gênés, maladroits... beaucoup d’enfants notamment sont assez curieux, veulent toucher, comprendre. J’ai vraiment le sentiment que le regard a changé. Les gens sont plus à l’aise, ils savent mieux comment aborder les choses.
"Il y a plus de communication autour du handicap aujourd'hui"
Constates-tu un changement de regard sur le handicap de manière générale ?
Oui, j’ai l’impression que ça bouge. Le fait d’avoir un handicap est de plus en plus mis en avant, les gens sont moins frileux, enfin c’est ce que j’essaie de me dire en tout cas. J’ai l’impression qu’il y a plus de communication autour du handicap, de plus en plus de sportifs ou artistes qui s’illustrent, osent se mettre en avant… les jeux paralympiques sont diffusés sur les grandes chaînes tv par exemple. Ça permet de sensibiliser le public et c’est super.
"J'ai écrit des livres et ça m'a sauvée"
Quel recul as-tu sur ce que tu as vécu ?
J'aurais pu sombrer mais j’ai écrit des livres et ça m'a sauvée. Je n’avais rien à faire durant mon hospitalisation donc j’ai commencé par écrire et dessiner tout ce qui se passait dans mes journées. Cela m’a bien occupé dans un premier temps, ensuite c’est devenu une vraie thérapie qui a duré 2 ans. J’ai écrit et dessiné 20 carnets au total. Au début c’était plus comme un journal intime, je n'avais pas spécialement l'intention que ce soit lu par d’autres personnes. Puis je les ai montrés à mes parents et j’ai constaté l’effet que ça avait eu sur eux. Ça nous a permis d’en discuter longuement, de dédramatiser la situation. Ils m’ont conseillé de les publier, donc j’en ai édité un premier en 2019. Aujourd'hui, les tomes 1 et 2 sont disponibles à la vente sur mon site : https://histoiredunpied.com
HISTOIRE D'UN PIED
Site web : www.histoiredunpied.com
Instagram : @anneso.illustratrice
1 commentaire
Bravo Anne-So tu es géniale on est très fière de toi et on t’aime très fort ♥️